I just wanna be alone...

Une journée brumeuse, un ciel grisâtre et une brise fraiche qui soufflait. Cela ne découragea pourtant pas Brume, qui comptait sortir du territoire de sa meute. Une simple envie de s'éloigner, d'oublier cette impression d'étouffer à force d'être toujours entre les mêmes arbres. Où allait-elle aller? Elle n'en avait absolument aucune idée. Mais elle voulait s'éloigner, marcher, courir, jusqu'à se sentir libre de ses actes et de ses pas. Après seulement elle reviendrait. Son absence ne manquerait de toute façon à personne.
C'est comme ça que la louve grise se mit à marcher. Elle alternait sprints épuisants avec marches reposantes, et arriva bientôt à un endroit qu'elle ne connaissait pas, dont elle avait seulement entendu parler: le pont de bois.

Cet endroit n'était pas très rassurant, mais au moins Brume était seule, et loin du territoire de la meute de l'Ouest. Ces derniers jours, elle n'en pouvait plus. De ces journées répétitives, de ce paysage répétitif. Que valait la vie, si elle était faite pour vivre une journée répétée des dizaines de fois?
Au final, ça l'avait mené là. Près de ce pont de bois si mal en point qu'on avait l'impression qu'il allait s'écrouler d'une minute à l'autre. Brume ne résista pourtant pas à l'envie de poser l'une de ses deux pattes avant sur la première planche. Elle appuya un peu, gardant cependant de solides appuis sur le sol. Le bois craqua et, si il ne se cassa pas, dissuada la louve de continuer d'y mettre du poids. Elle s'éloigna un peu, prudemment, et commença à s'éloigner.

Brume ne comptait pas rentrer immédiatement, mais voulait faire un petit tour, afin de connaître un peu mieux l'endroit où elle était. Elle s'était légèrement éloignée lorsque sa curiosité l'emporta. Non, elle ne pouvait pas partir d'ici sans avoir traversé ce pont qui semblait si peu solide.
Elle traversa donc, se faisant la plus légère possible (comme si le pouvoir de la pensée pouvait faire rendre un loup plus léger...). Les planches craquèrent, et firent d'autres bruits effrayants lorsque l'on songeait au vide en dessous.
Puis, enfin, l'autre côté. Ce fut avec soulagement que Brume sauta les dernières planches pour atterrir en sécurité. Elle pensa ensuite au retour. Avant d'arrêter. Non, autant éviter de se terrifier davantage.

La louve s'éloigna un peu, curieuse. Cela faisait du bien de changer de coin, d'être vraiment seule. Seule? L'était-elle vraiment? Le craquement du pont la fit se retourner, et elle vit un loup blanc achever la traversée. Il regarda autour de lui.
Non, pas un loup. Une louve. Une louve du Sud, même. Mais que faisait-elle ici? Comme Brume, elle devait se promener.
L'autre louve tourna la tête, et aperçut la Delta de l'Ouest. Cette dernière s'avança, avant de dire:

"Je suis Brume, Delta de la meute de l'Ouest. Qui es-tu?"

Depuis quand Brume allait-elle parler aux autres? Les miracles arrivent, visiblement...

Ever était comme Brume, associale, cela se voyait au premier coup d'oeil. La louve de l'Ouest se demanda si c'était aussi visible pour elle que pour l'autre qui lui faisait face.
Elle semblait... Enervée. Elle n'avait pas l'air d'avoir envie de répondre, ou alors elle voulait simplement répondre quelque chose de méchant, en laissant sa colère prendre le dessus. Brume la comprenait: combien de fois avait-elle ressenti cette envie? Combien de fois avait-elle voulu rembarrer son interlocuteur pour avoir, enfin, la paix? Des dizaines, des centaines. La plupart du temps, elle se retenait. Question de saoivr-vivre.

C'est ce que sembla faire Ever. Elle reprit la parole d'une voix calme, sans aucune trace de la colère qui aurait pu s'y trouver:

"Eh bien non,tu ne te trompes pas.Les deux réponses sont exactes.Pareil pour toi je présume ?"

Conclusion, peut-être que cela se voyait pour elle aussi. C'était comme si il était marqué sur son front: "Brume, Delta de l'Ouest, associale en puissance: ne m'approche pas ou je t'ignore". Plutôt sympa, comme description de soi-même.
Mais de cela, Brume s'en fichait complètement. Elle savait qu'elle n'avait pas l'air sociale, sinon pourquoi personne ne lui parlait (pas que cela la dérange, loin de là...)? Les autres ne l'évitaient pas spécialement, et la saluaient d'un signe de tête en la croisant (toujours une question de savoir-vivre), mais jamais de grande conversation.

Brume se décida enfin à répondre, bien qu'elle fut traversée quelques secondes de l'envie de partir, impoliment certes, mais afin d'avoir la paix. Pourquoi avait-elle engagé la conversation?!

"Tu ne te trompes pas non plus, mais cela n'a pas dut t'être trop difficile de le deviner..."

Brume décida que la prochaine fois qu'elle croiserait un loup, elle l'ignorerait. Solution de la facilité, certes, mais c'était tellement mieux...

C'était le genre de situatation que l'on ne s'attendait jamais à vivre. Pourtant, cela ne devait pourtant pas être si rare! Il suffisait d'avoir deux louves, ou deux loups, ou un loup et une louve, enfin deux animaux de la même espèce, quoi.
Les deux doivent être associables, sinon vous pouvez être sur que ça ne marchera pas. Si ces conditions sont remplis, continuez.
Faites se rencontrer les deux loups. Peu importe l'endroit, mais de préférence un endroit plutôt désert, là où ni l'un, ni l'autre, ne s'attend à rencontrer quelqu'un. La surprise des individus sera encore plus forte.

Et si la rencontre a lieu sans bagarre, vous avez de bonnes chances d'en arriver là, avec deux loups qui n'ont absolument aucune envie d'être ici, qui ne savent pas quoi dire, et qui rêvent de s'en aller. Pourtant, aucun des deux ne bouge, et ils restent plantés là en tant que gros paumés, en échangeant des paroles inutiles et idiotes, sans rien faire. En étant, de préférence, extrêmement mal à l'aise.
Brume n'était donc, comme on pouvait s'en douter, pas spécialement heureuse. Elle qui avait espéré être tranquille! Si elle était venue ici, c'était pour avoir la paix, sans personne pour lui parler alors qu'elle ne recherchait que la solitude. Et bien, on pouvait dire que c'était plutôt raté, question solitude...

"Effectivement non.Quand des associables se rencontrent,ils ne sont jamais très heureux de se retrouver face à face..."

Léger rire de l'autre. Visiblement, les deux louves pensaient la même chose: "Mais qu'est-ce que je fous là à parler avec cette vrai paumée?!" Alors pourquoi aucune des deux ne partaient? C'en était désespérant, mais Brume ne partait même pas.

" En effet... "

Mais quelle réponse. Brume était décidément une oratrice hors-pair, capable de faire de magnifiques discours la rendant populaire auprès des autres, capable de faire durer des conversations sur les artichauts pendant des heures sans s'ennuyer, et capable de captiver des pierres dans une rivière. Ouais, ou pas hein.
Ces deux mots lâchés par la louve devait la faire passer encore plus débile, paumée, et sans intérêt auprès de la louve. Rencontre entre deux associales, ou comment se désespérer soi-même tout en désespérant les autres.